Aujourd’hui, 85 % des parents ont aussi recours aux claques ou aux fessées en France. Est-ce que ces pratiques diminuent ?
La France reste un pays assez rétrograde, par rapport à tous ceux qui ont interdit les châtiments corporels [53 dans le monde]. Crier sur un enfant ou lui donner une claque reste toléré par la société. Les parents conservent un « droit de correction ». Une étude comparative a été menée dans cinq pays européens en 2012, pour déterminer les répercussions d’une loi. Dans les pays ayant légiféré, les violences faites aux enfants diminuent nettement, celles faites aux femmes aussi.
Heureusement, on voit que les parents plus jeunes utilisent moins la violence, physique et verbale. La couverture médiatique du sujet aussi a évolué. La loi contre la fessée en décembre 2016 [qui a depuis été censurée par le Conseil constitutionnel] a fait la « une » du Parisien. Le traitement aurait été très différent il y a cinq ans. On aurait surtout évoqué le droit des parents à éduquer leur enfant… pas le droit des enfants.
Les recherches en neurosciences ont aussi aidé à faire bouger la perception de la violence sur les enfants. Plus on informe sur la nocivité de ces violences, plus la tolérance baisse.
En 2017, toujours plus de pays interdisent les punitions corporelles
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Que conseillez-vous à un parent pour faire face à un enfant qui « le cherche » ?
Il faut d’abord se rappeler quel âge a l’enfant. Quelles sont ses capacités de comprendre, ses besoins. Un enfant de 1 an qui lance sa purée ne cherche personne, il a besoin de toucher sa nourriture. Un enfant qui « nous cherche » ne cherche jamais les cris ou les tapes, il cherche l’attention, l’accompagnement.
C’est dur d’élever un enfant et on n’a pas appris à le faire, mais il faut toujours se mettre d’abord à la place de l’enfant, même quand on se met en colère. Si ces mots, on ne les dirait pas à un adulte, à son patron… pourquoi on les dirait à son enfant ? Imaginer quel effet feraient ces phrases si on nous les disait à nous, enfant. Il faut prendre le temps de dire les choses autrement. Dire ou répéter « tu es bête » à un enfant n’arrivant pas à faire ses exercices de maths ne va pas l’aider, au contraire.
Frapper, crier, humilier n’est pas nécessaire pour poser des limites. Il faut réaliser que donner des droits aux enfants ne revient pas à les retirer aux parents, qui doivent rester les garants du « non ». Etre bienveillant, ce n’est pas tout accepter.
Quels outils existent pour aider les parents et prévenir les violences ?
Il y a un outil formidable : l’entretien prénatal précoce. C’est une séance pour parler de la grossesse et du projet d’enfant, remboursée à 100 %. Par ailleurs, en cas de difficultés avec son enfant, on peut essayer de parler à son médecin, avec le personnel à la crèche, aller dans une maison des parents, à la PMI (protection maternelle et infantile).
Au printemps, la Caisse d’allocations familiales a aussi publié et distribué largement un « livret des parents ». Pour la première fois un dépliant mettait en garde les parents contre les châtiments corporels qui n’ont « aucune vertu éducative ». Nous réclamons aussi que soit ajoutée au carnet de santé une mention sur les violences aux enfants et leurs risques. Pour l’instant, il n’y a qu’une phase illisible sur les bébés secoués.
Que pensez-vous des politiques mises en place pour protéger les enfants ?
Depuis la disparition du ministère des familles, c’est le silence radio sur le projet de « plan violence ». Heureusement, on a maintenant des élus qui se sentent concernés. Plus de 300 avaient porté et voté l’amendement sur la fessée dans la loi « égalité et citoyenneté » l’an dernier. Il faut à nouveau faire voter une loi, pour que l’Etat prenne une position forte et claire contre les violences. Il y a cent ans, les hommes pouvaient frapper leur femme. C’est aujourd’hui dépassé. Il faut arriver au même résultat pour les enfants.
*Bussmann, Kai-D, Claudia Erthal, et Andreas Schroth. « Impact en Europe de l’interdiction des châtiments corporels », Déviance et Société, vol. 36, no 1, 2012, pp. 85-106.
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